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Compétence arbitrale et clauses d’arbitrage antérieures à la réforme

Une société de personnes présente dans ses statuts, modifiés en 2006, une clause compromissoire qui confère aux arbitres toutes les controverses sociales selon le règlement d’une chambre arbitrale. L’un des associés demande au Tribunal ordinaire, en voie conservatoire ex art. 700 c.p.c., la révocation de l’administrateur pour graves irrégularités de gestion. Le défendeur soulève l’incompétence du juge étatique en faveur des arbitres. À quel juge appartient la compétence en matière conservatoire lorsque la clause compromissoire est antérieure à la réforme de 2022 mais renvoie à un règlement arbitral qui discipline les pouvoirs conservatoires des arbitres ?

Le Tribunal de Venise, par ordonnance du 6 mai 2025, a abordé cette délicate question procédurale qui se situe dans le nouveau scénario normatif post décret législatif 149/2022.

La décision a résolu la question en affirmant la compétence étatique, mais la motivation adoptée met en évidence des profils interprétatifs qui méritent une attention particulière pour les implications systématiques sur la répartition de compétence entre juge et arbitre en matière conservatoire.

Comme il est connu, notre ordonnancement juridique, à la suite des modifications introduites par le décret législatif 149/2022 à l’art. 818 du code de procédure civile italien, permet aux parties d’attribuer aux arbitres le pouvoir d’accorder des mesures conservatoires.

Cette innovation a modifié l’organisation précédente qui réservait au juge étatique (sauf exceptions résiduelles) la compétence pour les mesures conservatoires, même en présence de convention d’arbitrage.

La réforme a donc introduit un nouveau système de répartition de la compétence, subordonné toutefois à une manifestation spécifique de volonté des parties, qui peut avoir lieu soit à travers des clauses expresses soit par le renvoi à des règlements arbitraux qui prévoient ce pouvoir.
Le Tribunal vénitien a abordé la question à travers une double argumentation qui mérite une attention particulière.

En premier lieu, le juge a précisé que « la faculté d’adopter des mesures conservatoires est donc subordonnée à une manifestation spécifique de volonté en ce sens, d’où la norme ne peut être appliquée qu’aux statuts adoptés ou modifiés à une date postérieure à son entrée en vigueur ».
Cependant, l’élément décisif de la décision réside dans la seconde argumentation : « c’est l’art. 22 bis du Règlement Arbitral actuellement en vigueur, en vigueur depuis le 15.06.2023, qui établit que les arbitres pourront prononcer des procédures conservatoires urgentes et provisoires, seulement lorsque la convention d’arbitrage aura été conclue après l’entrée en vigueur du Règlement même ».

La particularité du cas réside dans le fait que le règlement arbitral invoqué par la clause compromissoire contenait une disposition temporelle spécifique qui limitait l’application des pouvoirs conservatoires aux seules conventions postérieures à son entrée en vigueur.

Cette circonstance s’est révélée déterminante pour la décision, car elle a permis au Tribunal de résoudre la question sans aborder le problème interprétatif plus complexe de l’application de l’art. 818 c.p.c. italien aux clauses compromissoires antérieures à la réforme de 2022.

La motivation adoptée par le Tribunal laisse toutefois non résolue une question systématique d’une importance particulière : quelle aurait été la solution en présence d’un règlement arbitral qui ne contiendrait pas la limitation temporelle spécifique appliquée dans le cas d’espèce ?

En d’autres termes, la décision ne précise pas si l’art. 818 du code de procédure civile italien peut trouver application pour les clauses compromissoires ante-réforme lorsque celles-ci renvoient à des règlements arbitraux qui, tout en disciplinant les pouvoirs conservatoires des arbitres, ne contiennent pas de limitations temporelles spécifiques à leur application.

La lacune interprétative mise en évidence par la lecture de l’ordonnance ouvre la voie à deux orientations différentes : une orientation restrictive, selon laquelle l’art. 818 du code de procédure civile italien modifié s’applique exclusivement aux conventions d’arbitrage postérieures à son entrée en vigueur, indépendamment du contenu du règlement invoqué (et dans cette perspective, la date de stipulation de la convention d’arbitrage constituerait l’élément décisif pour déterminer la compétence) ; et une orientation extensive, selon laquelle l’art. 818 du code de procédure civile italien pourrait trouver application même pour les conventions ante-réforme lorsque celles-ci renvoient à des règlements arbitraux qui disciplinent les pouvoirs conservatoires des arbitres sans limitations temporelles (et donc le renvoi au règlement constituerait une manifestation de volonté suffisante pour l’attribution de la compétence conservatoire).

Roberto Oliva: Roberto est associé du département de résolution des litiges de Pavia e Ansaldo, un cabinet d'avocats italien indépendant de premier plan, qui opère en Italie et à l'étranger depuis plus de 60 ans. Il est inscrit au barreau de Milan et admis à exercer devant les juridictions supérieures italiennes. Roberto assiste des clients italiens et étrangers dans des litiges complexes devant les tribunaux de l'État italien et les tribunaux arbitraux siégeant en Italie et à l'étranger. En outre, il est régulièrement désigné comme arbitre par les parties, les institutions arbitrales ou les autorités de nomination. Roberto est membre de l'International Bar Association (IBA), de l'Associazione Italiana dell'Arbitrato (AIA), d'ArbIT - Italian Forum for Arbitration and ADR, et du Chartered Institute of Arbitrators (CIArb). Il est également secrétaire honoraire du comité de la branche européenne de la CIArb, coprésident d'ArbIT et rédacteur général de la revue électronique Arbitrage en Italie.
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